samedi17juin2023

LENT

La Scène nationale d'Orléans Orléans

Des jazzeux qui se mettent au rock, ça pourrait donner des choses qu’on n’a en général plus trop envie d’entendre, du jazz-rock voire de la fusion comme on disait au siècle dernier. LENT serait plutôt dans la fission, concassant sans vergogne les genres musicaux. La liste ci-contre des influences qu’ils citent pourrait être encore plus longue et diverse, elle ne dirait pourtant rien du vent de fraîcheur que font souffler les Orléanais sur une scène française parfois trop prompte à l’auto-formatage. A la limite, on se permettra d’ajouter un nom, tant pis s’il fait un peu peur aux uns, place la barre trop haut pour les autres : Frank Zappa. Donc des grosses brutes qui se prennent parfaitement au sérieux, mais en fait non, quoique, des breaks et des phrasés sortis de nulle part quitte à foutre en l’air le bel équilibre construit quelques mesures avant, et des textes roboratifs jamais là où on ne les attend. Sont-ils vraiment sérieux ?

Reprenons. LENT est né en 2018 au sein du Tricollectif, association de musiciens d’obédience jazz-mais-pas-que ayant bien compris que leur statut confirmé de cadors du conservatoire ne leur ouvrira pas toutes les portes. Ou du moins ne pourra satisfaire tous leurs appétits, même si les formations en question ont largement fait leur preuve sur des circuits parallèles. Ainsi a-t-on croisé Valentin Ceccaldi (basse), Florian Satche (batterie), Guillaume Aknine (guitare) et Robin Mercier (voix et textes) au sein de Constantine et du Grand Orchestre du Tricot aux côté de Théo Ceccaldi le frangin du premier (Révélation de l’année aux Victoires du Jazz 2017) et d’invités allant de Yom à Michel Portal en passant par Thomas de Pourquery ou Emile Parisien. Avec Gabriel Lemaire (sax/clarinette), complice ayant depuis cédé sa place à Matthieu Metzger, l’idée est grosso modo de basculer côté rock. « Oser l’aride, penser aires d’autoroutes et cactus, trouver un riff et le faire tourner tant que possible» expliquent-ils, mais aussi « que l’amplification soit généreuse et qu’on entende le détail du texte », naviguant pour sa part « à la lisière du banal et de l’étrange, du naïf et de l’inquiétant ».

Des impros dans une maison en forêt d’Orléans naîtront ainsi six titres réunis sur un premier disque enregistré l’année suivante, et publié en 2020 sous le titre Croix- bâtons. Sans promotion ni distribution même numérique, LENT donne alors néanmoins une vingtaine de concerts. Mais dans cette période peu propice à l’exercice, ils se retrouvent d’autant plus pour répéter et ainsi faire naître les titres de ce deuxième album. De l’impro, des textes parfois préexistants apportés par Robin, et beaucoup d’initiatives et d’arrangements de Valentin pour faire tenir toute cette énergie ensemble. La quête d’épure, d’espace et de progression sont toujours là, comme la volonté de prendre son temps (LENT ce n’est pas pour rien). L’équilibre évolue avec des tempos variés et des ruptures plus singulières aussi grâce aux nouveaux grains autorisés par la présence des claviers, d’un peu de samples, et du bidule de Matthieu, un synthé de fabrication maison. Ainsi cohabitent « une valse un peu boiteuse, une gavotte pour allumer la télé, et une ouverture parrainée par les sosies discount des ZZ TOP » explique l’auteur, Robin Mercier, à qui on laisse le soin ci-contre de passer en revue chaque titre de sa plume singulière et disons-le, assez jubilatoire pour qu’on s’autorise ce mot quasi interdit dans une bio d’artiste.

« Le monde ayant fait étalage de toute ses folies, on s’est sans doute retrouvé plus en prise avec le zinzin qui est en nous, et on a organisé des sortes de course-poursuite avec nos doubles maléfiques» explique Robin. Comme les registres musicaux, ceux de ses textes fleuves frappent par leur diversité, passant d’élans très premier degré ascendant « con-con » à des évocations plus abstraites voire métaphysiques. « Et comme les discours publics sont devenus, pour une bonne partie d’entre eux, une manière de dire merde avec merci, je pense que j’ai eu plus à coeur ces derniers temps de chérir les mots, renchérit-il, « d’essayer de jouer avec toute leur substance et de créer des espaces leur donnant un maximum de résonances ». Il s’ouvre donc toute la palette, avec parfois des sinuosités dans le sens et les constructions, et un jeu sur l’équivalence phonique de certains mots, utilisée comme un point de pivot pour troubler les perceptions, déstabiliser les repères, les temporalités.

Le quintet a pu ficeler le répertoire tout au long de l’année 2021 entre l’Astrolabe (la salle de concert d’Orléans, organisatrice du festival Hop Pop Hop) et des lieux plus familiaux tels que l’Abri de la tempête à Douarnenez (c’est à dire chez Robin dans le Finistère), une grange à Thoré-la- Rochette (celle de Richard Gauvin des Rockomotives), et la maison Ceccaldi en forêt d’Orléans. Il a été ensuite enregistré par Matthieu Metzger en son studio des Résistants à Poitiers en Octobre 2021 puis mixé début 2022 par Mathieu Pion (Pelouse, Constantine, Roberto Negro…).

LIEN https://linktr.ee/lentaugalop

VIDÉO https://www.youtube.com/watch?v=4L6H5FDeqgE

CLIP https://www.youtube.com/watch?v=hbP1FofpNI0